Plaidoyer pour la soie naturelle

Gilles Le Louër

 

Pour la pêche de la truite dans les rivières bretonnes (et dans toutes les rivières de taille moyenne), la soie naturelle, à condition d’être de grande qualité, offre des avantages énormes par rapport à une soie artificielle.

1 – la plus grande souplesse de la soie naturelle a pour conséquence principale une absence totale de mémoire, même si vous utilisez un moulinet équipé d’une petite bobine, même si vous pratiquez beaucoup les lancers roulés (cela ne tire-bouchonne pas, cela ne vrille pas).

Cette extrême souplesse contribue aussi à atténuer considérablement le dragage : la soie épouse mieux les différents courants et diminue le risque de créer ce point d’appui qui embarque le bas de ligne et évidemment la mouche.

2 – La plus grande finesse de la soie naturelle par rapport à la ligne artificielle, à poids égal bien sûr, favorise un poser délicat et un arraché discret.

D’autre part, cette finesse et cette densité font que la ligne offre moins de prise au vent latéral et perce mieux le vent de face.

Enfin, l’extrême finesse de la pointe permet l’utilisation d’un bas de ligne plus court rendant plus facile la localisation de la mouche en action de pêche.

3 – L’absence totale d’élasticité de la soie naturelle procure plus de précision au lancer et surtout au poser, facilite l’arraché et permet un ferrage plus rapide si nécessaire.

4 – La durée de vie de la soie naturelle est de trois à cinq fois supérieure à celle d’une soie artificielle. Elle ne craquelle pas et se bonifie même avec le temps (sur le plan de la glisse, de la flottaison et de la souplesse.)

Vous conviendrez qu’il serait dommage de se priver de ces nombreux avantages en action de pêche. Ajoutons que l’utilisation d’une soie naturelle facilite grandement la réalisation des lancers roulés et des mendings. Or, quand on lance mieux, on pêche mieux.

Les atouts de la soie naturelle sont, vous l’avez compris, bien réels à la mouche sèche, mais pas seulement. La soie étant une ligne intermédiaire, elle coule si elle n’est pas graissée. Vous pouvez ainsi choisir, en noyée, de ne pas la graisser du tout, de la graisser sauf la pointe ou de la graisser sur toute sa longueur, suivant la profondeur à laquelle vous souhaitez prospecter la rivière.

Parlons des inconvénients soulevés par les détracteurs de la soie naturelle (détracteurs qui, bien souvent, ne l’ont jamais testée). Ils sont essentiellement de deux ordres :

1 – La soie naturelle nécessite plus d’entretien.

– S’agissant du séchage : en rentrant de la pêche, il suffit de dérouler la ligne sur un journal déplié ou sur quelques feuilles de Sopalin (cela prend trente secondes) et de la laisser sécher durant la nuit.

– S’agissant du graissage : deux à trois minutes suffisent avant de commencer la partie de pêche.

Je rappelle ici que si l’on veut bénéficier d’une flottaison haute, pendant quatre ou cinq heures, avec la meilleure artificielle, il est nécessaire préalablement de la nettoyer, de l’essuyer et de la graisser.

Je ne vois donc pas où est la contrainte supplémentaire !

Mais il est vrai que beaucoup de pêcheurs, parfois par méconnaissance, souvent par négligence (ou l’inverse) ne graissent jamais leur artificielle, se privant du même coup d’un grand agrément d’utilisation.

2 – La soie naturelle est plus onéreuse à l’achat.

C’est vrai d’une bonne soie naturelle, mais comme elle dure de trois à cinq fois plus longtemps…

Je vous livre une suggestion permettant d’abaisser le coût de la facture. Achetez avec un ami, une DT de 27 m de longueur, à fuseaux courts pour un peu moins de 200 euros. Coupez la en deux et prenez un simple fuseau de 13,5 m chacun. C’est bien suffisant dans nos rivières bretonnes. Et oubliez les WF qui ne présentent, de mon point de vue, aucun intérêt pour le pêcheur.

Maintenant trois remarques importantes pour apprécier au mieux votre soie naturelle :

a – Utilisez une canne d’action douce voire parabolique (il en existe en refendu, en fibre de verre, mais également en carbone) car une soie naturelle est une soie lente qui s’accommode mal d’une canne rapide d’action de pointe.

b – Ne sous-chargez pas votre canne d’un numéro par rapport à une artificielle, comme on le voit parfois écrit. Si vous pêchez habituellement avec un à cinq mètres de soie sortis, il vaut même mieux surcharger (cela vaut aussi pour les soies artificielles).

c – Choisissez LA bonne soie naturelle. Après les avoir toutes achetées et testées (les fabricants sont peu nombreux dans le monde), une seule est vraiment performante.

Elle est fabriquée en France par un Anglais installé dans la région de Saumur. C’est la plus chère mais, en la matière, vouloir faire des économies, c’est aller au devant de désillusions certaines.

De mon point de vue, aucune des autres ne vaut une bonne soie artificielle.

Pour conclure, si vous souhaitez améliorer, voire sublimer, votre pratique de la pêche de la truite à la mouche, faites l’essai d’une bonne soie naturelle.

En termes de confort, de plaisir de lancer et d’efficacité, c’est du pur bonheur.