La toxicité du Roundup

Pas besoin de présenter le Roundup. C’est le désherbant le plus utilisé au monde. Loin pourtant de l’innocuité et de son caractère soit disant respectueux de l’environnement présentés dans ses publicités, le produit phare de la sulfureuse multinationale Monsanto est une nouvelle fois mis en cause dans une étude scientifique de l’université de Caen. L’herbicide est accusé d’avoir des effets toxiques sur les cellules embryonnaires et les tissus placentaires humains, ainsi que d’agir comme un perturbateur endocrinien.

La France est l’un des pays les plus consommateurs de produits phytosanitaires au monde. Il aura fallu quelques décennies pour que se fasse jour une vérité évidente. Ces produits sont toxiques et menacent l’environnement. Une vérité très éloignée de la banalisation de leur utilisation entrée dans les crânes à coup de publicités reconnues par la justice comme mensongères. Rappelons à cet effet, le jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 26 janvier 2007 qui a condamné, deux responsables des sociétés MONSANTO et SCOTTS France (le distributeur), pour publicité mensongère sur les pesticides de la marque commerciale « Round Up ». Les deux sociétés ont été condamnées à verser des dommages et intérêts (15 000 €) aux deux associations, Eau & Rivières de Bretagne et la CLCV, qui s’étaient constituées partie civile. L’aventure judiciaire n’est pourtant pas finie. Les deux sociétés et leurs deux dirigeants ont fait appel de cette condamnation.
La molécule active du Roundup est le glyphosate. Le brevet du glyphosate date de 1969 et la commercialisation de 1975. Si la molécule seule ne peut pénétrer dans les cellules, les formules désherbantes dans lesquelles elle est utilisée, incorporent des adjuvants qui la rendent active sur la vie cellulaire. D’où sa dangerosité. La toxicité vient davantage encore, que du glyphosate, des ingrédients « inertes » qui facilitent l’application du Round’up et qui le composent à 99,04%.

Depuis les années 90, il est avéré que le glyphosate a des effets graves sur la photosynthèse des algues (F.A Anton, M. Ariz, The Science of the total environment Supplement 1993) mais aussi sur le comportement des truites et que la molécule peut affecter des animaux domestiques et certains mammifères. Dans ce contexte, il paraissait difficile de croire à une innocuité sur l’homme.

En mars 2002, L’American Chemical Society a publié, les résultats de l’équipe « Cycle cellulaire et Developpement » du CNRS de Roscoff qui mettait en cause le rôle du glyphosate dans la dérégulation de l’activité cellulaire et donc le risque de cancer chez l’homme.

Selon l’étude publiée le 4 mai 2007, réalisée par l’équipe du professeur Gilles-Eric Séralini de l’Université de Caen, membre du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (Criigen), « On observe les premiers effets toxiques à des doses 10 000 fois moins concentrées que la formulation vendue en magasin. » Ces effets augmentent au fil du temps. Le Roundup est, en outre, plus toxique que son principe actif (le glyphosate) alors que la majorité des tests avant homologation sont conduits sur cette seule molécule, dénonce le scientifique. Ces conclusions sont le fruit d’une comparaison des effets déjà observés sur les cellules provenant de placenta à ceux susceptibles de se manifester sur des cellules d’embryon.

Gilles-Eric Séralini, membre depuis des années de la Commission du génie biomoléculaire (CGB) française, chargée d’instruire les dossiers de demande d’essais en champ, puis de commercialisation des OGM, ne cessait de réclamer des études plus poussées sur les impacts du Roundup. Cet éminent biochimiste considère en effet, que le Roundup est devenu un produit alimentaire depuis qu’on l’utilise sur les OGM, capables de l’absorber sans succomber. L’épandage de Roundup est ainsi utilisé pour détecter la présence d’OGM dans une culture. Seules les OGM survivent.

Il manifesto, mardi jeudi 31 mai 2007.

Le célèbre herbicide Roundup, produit phare de Monsanto, arrive en fin de course. L’enjeu est de taille : lancer sur le marché un produit capable de le surpasser. La santé de la planète attendra.

Les plus pessimistes l’avaient annoncé, quitte à être traités d’écologistes radicaux et par conséquent ennemis du progrès et de la science. Les mauvaises herbes ont fini par résister au célèbre herbicide Roundup. Monsanto en a pris conscience, mais ses solutions ne présagent rien de bon pour la santé des terres cultivables de la planète. Petit retour en arrière. En 1970, John Franz, chimiste chez Monsanto, découvre les propriétés d’une substance capable de sécher et de tuer les plantes : le glyphosate. Un produit idéal pour éliminer les mauvaises herbes qui prolifèrent dans les champs cultivés. Le glyphosate était considéré comme moins nocif pour la santé que les autres substances de l’époque. Petit inconvénient : cet herbicide, qui sera commercialisé en 1974 sous le nom de Roundup, tue aussi les bonnes plantes à consommer.

C’était sans compter sur les chercheurs de Monsanto, qui découvrirent un gène capable d’immuniser les plantes contre les effets du Roundup. Il suffisait donc de modifier génétiquement les plantes à protéger afin que l’herbicide ne fasse que son effet sur les mauvaises herbes.

Un herbicide vedette.

Pendant des années, Monsanto a donc vendu aux agriculteurs le Roundup avec les graines modifiées génétiquement. Malgré l’opposition de nombreuses associations écologistes et même de certains gouvernements, le succès du Roundup a été fulgurant. Les ventes record de l’herbicide vedette ont été accentuées par un phénomène important : en 2000, le brevet qui le protégeait est arrivé à échéance. L’ouverture à la concurrence a permis de faire baisser les prix et le glyphosate s’est vendu comme des petits pains à travers le monde.

Ces dix dernières années, le succès a été tel que les herbicides à base de glyphosate ont pratiquement supplanté tous les autres. La revue Science du 25 mai 2007 estime que le Roundup a fortement contribué au développement des cultures OGM. Ces onze dernières années, les surfaces agricoles de produits OGM ont été multipliées par soixante !

Aux Etats-Unis, selon Syngenta, le 56% des cultivateurs de soja n’emploient que du glyphosate. Résultat : de part cette pression sélective, la nature s’adapte et fini par résister. Des mauvaises herbes résistantes ont commencé à pousser un peu partout. La première mauvaise herbe « rebelle » est apparue en 1996. Aujourd’hui, on en compte une douzaine. Les pays les plus touchés sont les Etats-Unis, l’Argentine, l’Afrique du Sud et l’Australie. Cela prouve que, malgré ce que prétendent les anti-darwiniens, la nature est capable d’évoluer à tout moment et à s’adapter pour survivre. Ces mauvaises herbes sont notamment parvenues à retenir l’herbicide dans leurs feuilles, sans le faire descendre dans les racines, là où il aurait été fatal. Un coup de génie !

Le plan B de Monsanto.

Face à cette situation, il existe trois solutions : a) opérer un tournant radical et produire des cultures biologiques sur toute la planète ; b) ralentir l’emploi du glyphosate pour éviter de passer à des substances bien plus nocives, quitte à diminuer le rendement des terres ; c) chercher des herbicides plus puissants et vendre les graines OGM qui vont avec.

La deuxième solution est appliquée actuellement, mais ce n’est qu’une phase de transition, puisque Monsanto a d’autres idées dans ses tiroirs. L’herbicide de dernière génération s’appelle « dicamba ». Il existe depuis quarante ans, mais ce n’est qu’en 2003 que Monsanto a découvert la modification génétique à opérer sur les plantes pour le rendre très efficace. La multinationale de l’agroalimentaire assure qu’il sera commercialisé dans sa nouvelle version dans trois ans, et son brevet durera vingt ans. L’assainissement des terres, des rivières et la culture biologique à l’échelle de la planète attendront.

Sarah Tobias

Cet article est paru dans le quotidien « Il Manifesto » du jeudi 31 mai.2007

Traduit et adapté par Luca Benetti.

Source : Le Courrier de Genève, mardi 5 juin 2007