Un compagnon de pêche

Roland Coat

Je suis en général vert, mais je peux être aussi rose, bleu ou orange et revêtir bien d’autres couleurs.

J’ai très souvent les poches bien remplies. Je vous accompagne, toute l’année durant, dans vos périples halieutiques. Et quand la saison est finie, que votre moral est par conséquent en berne, un seul coup d’oeil sur moi et vous retrouvez le sourire. Qui suis-je?

« Bon Dieu ! Mais c’est bien sûr ! » l’inspecteur Bourrel* n’aurait pas dit mieux, je suis votre gilet de pêche.

En général, je reflète exactement la personnalité de celui qui me porte, quelques exemples (liste non exhaustive):

  • L’angoissé, celui qui prendra toute les précautions pour être « équipé course » me chargera les poches de tous les ustensiles possibles et inimaginables pour répondre à toutes les situations de pêche. En général, mon partenaire passera plus de temps à chercher ceux-ci qu’à pêcher. L’avantage est que si vous manquez de quelque chose, il sera là pour vous dépanner.
  • Le pragmatique ira à l’essentiel, l’objectif c’est le poisson. Tout sera rangé, là où il faut, et accessible au moment où il le faut. Ca manque un peu de poésie, mais il prend du poisson.
  • Le fatigué d’avance qui évitera de trop me charger : une boîte à mouche, du fil, à la limite, une paire de ciseaux et c’est tout. Il n’a jamais rien sur lui et vous taxe d’une mouche chaque fois que vous le croisez.
  • Il y a aussi le globe-trotter qui arbore avec élégance les badges et insignes des diverses régions et pays traversés, sans oublier, cela va de soi, le macaron de l’ABPM et le drapeau breton.
  • Celui qui a toujours la truite plus longue ou plus grosse que celle des autres, il aura son « deux mètres » dans  sa poche. Je préfère le laisser de côté, même si c’est une catégorie fort répandue. Pauvre de lui, il me laisse froid.
  • Le bricoleur que rien n’arrête au niveau de l’imagination pour créer le « truc » qui n’existe pas encore et qu’il fallait inventer ou améliorer. C’est celui que je préfère. Je m’attarderai donc, ici, sur les petits trucs et astuces qu’il m’apporte à chaque rencontre. Je l’appelerai Aimé (c’est le prénom de celui que je préfère, je vous l’ai dit plus haut), il est connu dans le milieu comme le « Géo Trouvetout » de la pêche à la mouche. J’illustrerai en images ses trouvailles et vous comprendrez tout de suite la pointure de ce palmiste créateur (lozérien). C’est son côté artiste qui me plait chez lui.

Quand on parle de fil il faut, certes penser aux bobines mais aussi penser à la récupération des fils usagés. Penser aussi à l’aiguille car pas de fil sans aiguille. Combien de fois ne vous êtes-vous pas fait piéger par l’oeillet de votre mouche trop encollé ?

Quand on pense fil, on pense noeud et aussi micro-boucle. Tout bête cette corde à piano repliée sur elle-même, pas cher et quel gain de temps pour  réaliser cette micro-boucle.

Une fois tout ça établi, il va de soi que la mouche doit se trouver au bout de votre fil, mais si les lunettes ont été oubliées à la maison, force est de constater que le challenge pour passer le fil dans l’oeillet est une aventure délicate, d’où l’ingénieux passe-fil. N’oubliez pas non plus votre coupe-fil, ça peut être plus pratique que d’utiliser vos dents.

Avant de la faire gober à votre poisson préféré, il faudra qu’elle soit bien sèche. Toutes les techniques de séchage sont bonnes, l’amadou bien sûr, un grand classique, le papier absorbant, le PQ en cas de rupture de stock, l’élastique, peu connue comme technique, mais qui permet de remettre poils et plumes dans le  « sens du poil »  (faites en sorte qu’elle ne soit pas trop puissante par rapport à votre fil de pêche car elle peut le rompre et vous perdrez votre mouche) et bien évidemment les produits hydrophobes du commerce. Pour parachever le tout, la brosse à mascara de Madame, revisitée par notre bricoleur, permettra d’affiner la présentation  de votre mouche.

Si par malheur vous êtes un peu maladroit, il faudra lever les bras au ciel vers cet arbre capteur de mouches ou mieux utiliser le décroche-mouche. Basique, pas cher mais terriblement efficace.

 Si votre mouche touche l’eau, base de la palm (pêche à la mouche) et que vous avez la chance de prendre un poisson, vous vous maudirez de n’avoir pas écrasé l’ardillon. Pour moi, gilet de pêche, c’est la première des priorités, respecter son compagnon de jeu, sinon carton rouge. Munissez vous de la pince écrase-ardillon. Il vous restera le dégorgeoir, en plastique de préférence, ou la pince pour retirer l’hameçon trop engamé au fond de la gorge.

Outre la poche réservée à votre appareil photo pour immortaliser les instants magiques et la poche attribuée à votre  téléphone portable, vous savez, ce truc qui sonne toujours au plus mauvais moment, vous pourrez, par mesure de sécurité, vous munir d’un sifflet de gendarme si par malheur vous vous brisez la  jambe dans un trou de ragondin ou si vous vous enfoncez progressivement dans un tourbière, sans oublier, pour les plus sophistiqués d’entre vous, le talkie-walkie, voire l’oreillette pour communiquer à distance avec vos camarades de pêche (Si si, je l’ai vu aux States cet été, alors que j’étais sur le dos d’un de mes copains).

Faites en sorte que tout ce matériel, aussi petit soit-il, ne se trimbale pas trop en dehors de vos poches, car  ça peut vite vous gâcher certains moments stratégiques lorsque vous serez en action de pêche. Si maintenant, vous trouvez d’autres trucs  qui pourraient se rajouter à ceux déjà évoqués, n’hésitez pas à me le faire savoir. D’ici là, bonne pêche  et bonnes idées à tous.

Votre gilet de pêche.

 

* Pour les plus jeunes, l’inspecteur Bourrel, incarné par Raymond Souplex, était l’acteur principal d’une célèbre série télévisée policière « Les cinq dernières minutes » des années 1960 et 1970. Il concluait chaque épisode par l’exclamation « Bon Dieu ! Mais c’est bien sûr ! », restée fameuse.