par Jean Thierry
L’adolescent auquel je pense aujourd’hui, lui qui pratiquait la pêche de la truite et du chevesne à la sauterelle – « à la sautique », selon le vocabulaire local – dans les petits cours d’eau de son pays ; mais il était fortement rebuté par l’utilisation des insectes vivants et par ces manipulations barbares auxquelles il fallait les soumettre. N’y avait-il pas moyen de parvenir aux mêmes résultats par un procédé plus civilisé que ce recours rudimentaire à la matière vivante ?
Il y avait donc la pêche « à la mouche artificielle » comme on disait alors. Mais dans une région où cette pratique était peu connue, donc sans aucune possibilité de prise en main pédagogique, évidemment sans le moindre club à l’horizon et avec des moyens d’information presque uniquement – et sans doute trop – livresques, c’est au prix d’une véritable conquête qu’il y était parvenu dans un désert d’indifférence que traversaient pourtant quelques acharnés auprès desquels il glanait des bribes d’information en les regardant faire et, dans le meilleur des cas, en conversant avec eux.
par Louis Hamon
Nous avons eu le plaisir de recueillir ses confidences en 1986. Nos amis, Jean Montauzier et son fils Padrig, qui le connaissaient particulièrement bien et l’admiraient, nous ont apporté des informations complémentaires.
Louis Hamon naquit en 1916, près du pont de Loge-Coucou et habita ensuite à proximité.
C’était un pêcheur exceptionnel de saumons à la mouche, procédé qu’il utilisait avec prédilection. Mais comme la plupart des autres pêcheurs locaux, il pêchait aussi, à l’occasion, au lancer ou, même parfois, au ver lorsque les eaux ne lui permettaient pas de pêcher autrement. Il faut tenir compte du fait qu’à l’époque, pour des gens à revenus modestes, la vente d’un saumon (alors autorisée) représentait un appoint financier non négligeable.
Ce petit bonhomme, au matériel rudimentaire (une modeste canne et un vieux portefeuille où étaient soigneusement rangées les mouches de l’Ellé), mais tellement efficace, faisait l’admiration de tous les pêcheurs qui le rencontraient. Sa grande force résidait dans une connaissance parfaite de la rivière qu’il lisait admirablement. Chaque caillou était mémorisé. Chaque poste était répertorié et pêché en fonction du niveau d’eau. En outre, c’était un lanceur parfait. Sans un faux lancer, sa mouche tombait exactement là où il fallait qu’elle tombe, ce qui lui permettait la dérive la plus efficace.
En 1992, notre ami Marcel Madec a interviewé un ancien pêcheur à la mouche de la région morlaisienne, monsieur Le Stum qui avait alors plus de quatre vingts ans. Voici l’essentiel de cette interview enregistrée sur cassette.
«- J’ai découvert la pêche à la mouche alors que j’étais en garnison à Guingamp.
- Pour apprendre cette pêche, je me suis adressé à un certain Minihy, pêcheur professionnel, habitant près de chez ma famille à Lannéanou. Au début, il a refusé de m’apprendre, puis, il a fini par accepter d’être mon professeur à condition de lui payer sa journée. Quand nous pêchions le Douron, je lui payais le repas de midi au restaurant et je lui donnais de quoi acheter un litre de vin.
- C’est ainsi que j’ai tout appris avec lui : à pêcher ; à monter des mouches ; à choisir la rivière… J’ai, toute ma vie, suivi ses conseils et je n’ai jamais changé ma façon de pêcher.
- Je n’avais pas d’argent et mes premières cannes étaient faites de bambous coupés dans le parc d’un château. Ils mesuraient environ trois mètres. On les mettait à sécher dans le grenier, puis on les durcissait dans la cheminée du sabotier.
- J’ai acheté ma première canne en 1931. C’était du bambou venant du Japon. Je l’avais payé 30 F. C’était cher pour l’époque. La miche de pain ne coûtait que 20 sous et je me suis, alors, fait «eng… » par ma mère.
- Le moulinet était un petit moulinet, pour la pêche au coup, garni d’un gros fil. Je n’ai jamais utilisé de soie.
- Mon matériel me suffisait pour capturer beaucoup de truites. Au début, avec mon bambou, j’utilisais des racines, de la même longueur que la canne et qu’il fallait mouiller au préalable.
- Je ne pêchais qu’en noyée, avec une seule mouche. Minihy m’avait appris à monter les mouches à la main. Je les montais soit à la maison, soit au bord de l’eau. J’avais toujours, dans ma poche, une boîte en fer, avec des hameçons, des brins de laine, du coton (des noirs, des gris, des jaunes, des lie-de-vin) ainsi que des plumes. Mes mouches étaient très simples, des araignées sans cerques – Toujours les mêmes modèles :
• une grise à corps noir ;
• une jaune à corps gris
• une rousse à corps lie-de-vin (hameçon N°12).
par Pierre Phélipot
G. Kelson disait que l’on ne devrait pas donner des conseils sur la pêche du saumon avant d’en avoir capturé au moins trois mille. Dans ces conditions s’il est quelqu’un qui nous semble particulièrement qualifié pour parler de pêche du saumon, c’est bien le fameux Robert Pashley avec plus de dix mille captures.
Comtesse de Kerguelen
Nous commençons une série d'articles sur la pêche aux alentours des années 1925, écrits vers 1950 par Madame la Comtesse de Kerguelen, dont la propriété, située à Melgven, est bordée par l'Aven. Madame de Kerguelen fut une passionnée pêcheuse, à la mouche, de truites et de saumons ainsi que garde-pêche assermenté par la Fédération et redoutée des braconniers car elle n'avait pas froid aux yeux.